Titre

Naturaliser la ville. Une géographie de la co-production de la ville et de l'écologie en Suisse (XXème-XXIème siècles)

Auteur Maud CHALMANDRIER
Directeur /trice Joëlle Salomon Cavin, Institut de géographie et durabilité, UNIL
Co-directeur(s) /trice(s) Céline Granjou, INRAE, Grenoble (France)
Résumé de la thèse

A la croisée de la géographie environnementale et des Science and Technology Studies, cette recherche doctorale étudie l’émergence et le développement de la ville en tant que lieu et objet de recherche de l’écologie scientifique en Suisse. Elle s’appuie sur une approche qui explore les formes de co-production des savoirs et de l’espace. La thèse s’intéresse aux ressorts de l’activité savante écologique en relation avec l’espace urbain, afin de comprendre ce que l’écologie fait à la ville d’une part, et ce que la ville fait à l’écologie d’autre part. Il s’agit d’explorer les formes d’articulation locale entre trois processus : la construction de la ville comme objet scientifique, la reconfiguration des natures de la ville, et la reconfiguration de la science écologique. La recherche porte sur un contexte géographique jamais étudié par l’histoire de l’écologie urbaine – la Suisse, pays européen multilingue et multiculturel – et s’étend sur une période historique remontant jusqu’au début du XXème siècle.

Partant de l’hypothèse d’un développement tardif et peu structuré de l’écologie urbaine en Suisse par rapport à d’autres contextes et au paysage intellectuel international, l’enquête adopte une démarche historiciste, attentive aux objets émergents, aux formes de marginalité et aux identités non stables qui caractérisent les trajectoires, les pratiques, l’engagement collectif et les ancrages institutionnels des chercheurs ayant produit des connaissances écologiques dans et sur la ville. Plusieurs types de matériaux empiriques ont été recueillis : entretiens semi-directifs, observations de terrain, corpus de publications, sources documentaires, et enfin bases de données sur les projets de recherche financés en écologie et en écologie urbaine au sein d’une institution académiques suisse. L’analyse croisée des matériaux, principe directeur de la démarche d’enquête itérative, permet d’identifier des moments, des lieux, des projets et des acteurs afin de retracer les conditions d’émergence de la recherche écologique urbaine en Suisse.

L’enquête de terrain met en lumière deux principaux résultats. Dans un premier temps, j’étudie l’évolution de l’intérêt naturaliste pour la ville chez les chercheurs amateurs et professionnels des sociétés naturalistes depuis le début du XXème siècle. En explorant le processus de construction de la ville comme objet de connaissance naturaliste, l’analyse révèle une pluralité de relations entre les naturalistes et la faune et flore des villes au fil du siècle, et comment l’activité naturaliste a contribué à l’« invention » de la nature urbaine et à sa mise en politique à partir des années 1980. Dans un deuxième temps, je montre comment la recherche écologique urbaine s’est ménagé une place dans les marges et à la frontière du monde universitaire depuis les années 1980. La légitimation scientifique de l’écologie urbaine s’explique moins par son institutionnalisation et l’affirmation d’une identité distincte, que par un processus d’intégration disciplinaire en écologie. Elle contribue en même temps à urbaniser l’écologie, c’est-à-dire à en ajuster les cadres, les pratiques et les outils d’analyse pour les adapter aux particularités de l’écosystème urbain, tout en réévaluant l’importance de la biodiversité urbaine et son rôle pour favoriser des villes vivables pour les humains et les non humains.

La thèse revisite ainsi l’histoire de l’écologie urbaine selon une perspective décentrée, attentive aux formes de co-production de la ville et de l’écologie qui se sont construites avant et en deçà de l’écologie urbaine en tant que domaine de recherche institué, et met en avant la créativité des chercheurs qui s’engagent dans la construction et la mise à l’agenda d’un objet scientifique en situation de marginalité.

Statut terminé
Délai administratif de soutenance de thèse 2024
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